Sauver la peau, de David Léon
Sauver la peau s’ouvre sur la lettre de démission d’un éducateur d’une institution spécialisée dans le soin et l’accompagnement éducatif d’enfants et d’adolescents psychiquement fragilisés.
Le narrateur nous délivre une parole directe, confrontant ce qu’il nomme « le carcan familial » au carcan institutionnel d’éducation ». Par un jeu d’entrecroisements des prises de paroles multiples, le texte scrute comment la violence verbale s’exerce de part et d’autre, jusqu’à nous interroger en ligne de fond sur ce qui constitue nos identités dans le frottement subtil entre l’espace intime et l’espace professionnel.
NOTES d’INTENTIONS par Hélène Soulié
Rien ne distingue les souvenirs des autres moments. Ce n’est que plus tard qu’il se font reconnaître à leurs cicatrices.
Chris Marker – La jetée
Un travail sur la parole, sur « l’espace fou du langage ». Cet espace nous est à tous commun. Lacan dit « Tout le monde est fou ». Il pourrait parler de « fou dans le langage ». « Tous fous dans le langage » pourrait-on dire.
La rencontre avec l’écriture de David Léon a été pour moi une évidence parce qu’il travaillait sensiblement sur le même espace que le mien.
L’espace fou du langage.
Ses pièces sont des pierres noires, brutes. La mise à jour du chaos. C’est éclatant.
Alors que je travaillais sur Un Batman dans ta tête, j’ai découvert Sauver la peau.Les deux pièces sont entrées en résonnance. Le diptyque s’est imposé : profusion des voix / dialogue ininterrompu entre deux frères / dont un seul peut encore sauver sa peau.
C’est un homme dos au mur qui prend la parole. Un frère. Un écrivain. Un éducateur « démissionnaire » de l’institution. Qui va dans le temps de la représentation, mettre en relation la vie des enfants dans le carcan familial, (le sien d’abord : celui d’où il vient avec sa mère ogresse qui le traite de « sale pédé », son frère schizophrène, sa soeur recouverte de psoriasis) et la vie que les enfants mènent dans les carcans institutionnels d’éducation.
Même violence. Sourde. Maltraitance. Prise de pouvoir. Déni de l’existence. Zone de « non droit ».
La famille devient alors un nid glacial qui ne semble plus qu’abriter l’urne funéraire du frère mort, et les centres institutionnels d’éducation : des mausolées.
La pièce explore alors frontalement la question de l’identité, de ce qui nous constitue dans l’intime et dans le social, et la question du « Je » dans la littérature.
Contrairement à Un Batman dans ta tête, où le « Je » est le dernier mot prononcé du texte, le « Je » dans Sauver la peau est omniprésent, et ancré dans le vivant.
Celui qui parle s’adresse à nous frontalement. La parole s’inscrit dans le même présent que le nôtre, et nous interpelle.
Elle veut nous sortir de la sidération, de la torpeur, que provoquent sur nous les phrases meurtrières prononcées dans tous les carcans, qu’ils soient privés ou publics, familiaux où institutionnels.
Le « Je » devient « nous ».
Et invite à répondre collectivement, et urgemment.
Nous sommes ces enfants violentés par la dissonance des discours.
Et c’est avec l’acte de parole, l’acte d’écriture, l’acte artistique, que nous pourrons décrypter, mettre à jour, discréditer ces discours fous et sauver notre peau.
L’espace du théâtre, dernier lieu, où la parole fait acte.
Participant·es
Conception – mise en scène et dramaturgie Hélène Soulié
Avec Manuel Vallade
Scénographie Emmanuelle Debeusscher, Hélène Soulié
Costume Catherine Sardi
Lumières Maurice Fouilhé
Vidéo Maia Fastinger
Acteur vidéo Clément Bertani
Son Adrien Cordier
Costume Catherine Sardi
Régie Jérôme Monvoisin
durée 1h15
Production EXIT
Coproduction Théâtre Ouvert
Avec le soutien de la Ville de Paris
Ce spectacle bénéficie du soutien de la Charte de diffusion interrégionale signée par Arcadi-Ile de France, l’Odia Normandie, l’OARA, Réseau en scène Languedoc-Roussillon, Spectacle vivant en Bretagne, l’ONDA et de la SPEDIDAM
Ce texte a reçu le soutien de la Commission nationale d’Aide à la création de textes dramatiques (CnT)