PRIMO AMORE (Premier amour) de Letizia Russo

du 23 mars au 11 avril 2015

le mardi à 19h
du mercredi au vendredi à 20h
le samedi à 16h

Un homme retourne dans la petite ville de province où il est né après des années d’absence. Il y évoque au fil des lieux qu’il retrouve, son adolescence, la découverte du désir, et revoit son premier amour, celui-là même qui l’avait poussé à partir. Cette rencontre inattendue est la bombe qui permet à cet homme de découvrir et affronter avec courage sa profonde solitude. Elle lui permet d’ouvrir une perspective nouvelle, la sensation irrémédiable d’être debout, libéré, avec la force de pouvoir choisir, et l’énergie pour continuer.

L’écriture de Letizia Russo donne corps à une déambulation dans la mémoire, une traversée dans ce temps partiellement oublié. Elle donne corps également à des mouvements paradoxalement contraires, et pourtant mêlés, d’un temps qui a passé, et un temps qui, lui, ne passe pas. Elle révèle aussi la difficulté que l’on peut rencontrer parfois face à une réalité intolérable.

Cette histoire simple, qui est née lors d’une semaine unique et intense  a été pour moi l’occasion d’expérimenter un langage théâtral différent, où la pensée, l’espoir et le désespoir, sont traduits en images, à la recherche d’une sorte de musique capable de rendre compte de la tempête qui explose lorsque passé et présent se rencontrent. 

Letizia Russo

Franco Quadri, préface à Teatro Letizia Russo
éd. Ubulibri 2007

Sur un point, au moins, aucun doute n’est possible : Letizia Russo est une auteure – ou si l’on préfère un auteur – unique, quelqu’un de différent. Non seulement de par son écriture et les thèmes abordés, mais par sa façon d’être, d’exister. La première fois que je l’ai rencontrée, c’était en 2001 au cours d’un festival. Et l’on m’a informé que la gamine assise à côté de moi, était « l’enfant prodige de vingt ans » qui venait de recevoir le Prix Tondelli. Je l’avais déjà aperçue, à plusieurs reprises au théâtre, mais alors pour moi, elle n’avait pas encore de nom. Son visage sur lequel se lisait une timidité déguisée en arrogance (ou inversement) sa mince silhouette vêtue de couleurs si neutres qu’elles rendaient ostentatoire la volonté de passer inaperçue, pouvaient difficilement être attribués à quelqu’un, à première vue capable de dominer la violence, la haine désespérée que porte Tombeau de chiens, sa première pièce, qui se déroule dans un futur, proche image du passé, en proie à une guerre sans fin… […]

L’âpreté du thème, soustrait aux rails du temps, toutefois très actuel, retrouve et partage sa force angoissante dans les singularités d’une écriture très calculée, jouant sur d’imprévisibles interruptions, sur les sonorités et grincements. Dans le texte, souvent un point sépare le verbe du sujet, ou des mots qui logiquement devraient être reliés, afin de donner un sens à la phrase. Et ce, dans l’intention probable d’indiquer à l’interprète les moments de suspension, d’attente, qui apportent à la phrase, et par voie de conséquence à l’action, sa fluidité, son rythme.
Autre singularité de Letizia Russo, tout au moins jusqu’à présent : éviter la représentation d’une période déterminée. Pour être plus précis, éviter le transfert d’une actualité réelle, en des moments historiquement et géographiquement fictifs. Ainsi peut-on se retrouver en une ville, qui, en un sens, n’existe pas encore, qui est conçue à partir de ces éléments de déshumanisation, désormais classiques, nés dans l’imaginaire des pères de la science fiction, tel George Orwell.

Ainsi Babel, titre, qui, dans sa référence à la Bible, est délibérément ironique. Le texte a connu au moins deux versions. Toutes deux mises en scène, avec la même distribution. Autre habitude d’un auteur, qui à la différence de la plupart de ses « collègues », ne cesse jamais de reprendre et corriger son travail, de prendre en compte les remarques des metteurs en scène, et aussi des comédiens. Convaincue de l’impossibilité – inhérente à l’utilisation de l’ordinateur – d’une forme définitive, il arrive à Letizia Russo de ré-écrire des parties déjà en cours de répétition, et même de modifier radicalement, chez les personnages, certaines façons d’être et de se comporter.

Dans Binario Morto, les personnages ont entre trois et dix huit ans, se promènent dans une sorte d’Eden désertique, finissent par rencontrer un jeune homme qui s’épuise à chercher dans sa mémoire un secret oublié, soit, le fait d’être un héros. Un héros sans majuscule. Il s’agit tout juste d’une fonction, celle d’endosser un rôle, celui d’un pouvoir absolu sans caractère religieux. Le pouvoir d’un dieu ignorant les secrets du langage. Non pas ceux de la séduction, de la domination. […]

Dans Primo Amore (Premier amour) écrit en 2004, monologue en vers libres, Letizia Russo fait apparaître un quadragénaire, en quête de son passé. De retour dans la ville de sa jeunesse, en la personne d’un barman, il reconnaît celui qui, lorsqu’il avait quinze ans, lui a révélé l’amour et son homosexualité. Et qui, d’abord, se refuse à le reconnaître Et de cette rencontre surgissent des mots, des flots de souvenirs…

Participant·es

de Letizia RUSSO

traduit de l’italien par Jean-Paul MANGANARO

conception et réalisation TELEGRAM Cie (Mathieu Montanier, Isabelle Mouchard)

avec Mathieu MONTANIER

lumière Marie-Christine SOMA et Pauline GUYONNET

durée 1h

 

Production Théâtre Ouvert  
Coproduction TELEGRAM Cie

Primo amore a été présenté en lecture au Festival Actoral 2011 à l’initiative d’Hubert Colas, avec le soutien de l’Institut Culturel Italien de Paris dans le cadre de Face à Face – paroles d’Italie pour les scènes France. La Minoterie – Théâtre de la Joliette, le 22 septembre 2011.

Isabelle Mouchard et Mathieu Montanier ont bénéficié d’une résidence au Théâtre de L’L (lieu de recherche et d’accompagnement de la jeune création) à Bruxelles, en 2012/2013.

Remerciements à La Colline – Théâtre national